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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/23

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chiffons, qui content et composent des chansons : tous les Tam Pillous, ainsi qu’on les nomme à Camaret, la connaissaient, lui apprenaient leurs histoires.

Avec le temps ses manières bizarres diminuèrent, puis finirent par disparaître complètement à mesure qu’elle grandissait ; seulement on constata qu’elle avait gardé de son frère un souvenir ineffaçable, soigneusement, pieusement entretenu.

Elle avait recueilli dans une boîte tous les objets qui lui avaient appartenu, tous les souvenirs qu’il lui avait autrefois donnés, des bêtises d’enfant, un coquillage curieux, une pierre de forme étrange, des objets trouvés ensemble dans les rochers, dans les grottes, son portrait fait un jour de Pardon par un photographe ambulant, un autre fait à Brest avant son embarquement. C’étaient ses reliques.

À part certains accès de bizarrerie éclatant çà et là, surtout quand revenait l’anniversaire d’octobre, elle était presque semblable à ses compagnes, et l’on pouvait espérer qu’elle finirait par guérir radicalement.

Malheureusement son deuil la frappa dans l’un de ces moments d’égarement, et quand, à quinze jours de distance, après avoir enterré d’abord son père, elle revint du cimetière pour la seconde fois, les yeux sans larmes, la lèvre bourdonnante de