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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/275

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hommes. Rien de plus touchant, aussi, que de le voir soulever entre ses mains énormes quelque bambin rieur, de remarquer la délicatesse étonnante avec laquelle ses grosses pattes, semblables à des pinces de homard, par leur dureté, leur couleur cuite, l’épaisseur de leur cuir, enveloppaient sans les blesser les membres dodus et roses des tout petits. On sentait une âme tendre et bonne, d’une bonté quasi-maternelle, sous la rude écorce du pécheur.

— Pauvre petite Yvonne, tout de même.

Il hochait la tête, réfléchissant à ce qu’elle avait dû souffrir, à ce qu’elle avait supporté sur cet écueil où, en compagnie de Larvor et de son mousse, elle était restée toute une nuit et près d’un jour, environ vingt heures, sans boire ni manger, n’ayant pour toute nourriture que les coquillages collés au roc. Il lui avait fallu résister aux incessants assauts de la mer, dans les ténèbres qui affolent, dans le froid des lames qui l’inondaient sans arrêt, dans la pluie implacable de l’écume grondante s’abattant sur elle pour l’arracher de son refuge.

Puis, ce dernier danger couru, le plus terrible peut-être, quand, attaché lui-même à un grelin, il avait nagé en la portant, roulé par les vagues, à demi asphyxié, ne sachant pas s’il pourrait jamais atteindre le canot.

Ma foi ! il pouvait bien se l’avouer à présent,