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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/276

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dans la calme et heureuse sérénité de cette splendide matinée, il avait cru y rester, déjà épuisé par le sauvetage du mousse, ne parvenant plus à se haler le long des flancs élevés et glissants du bateau. Sans les efforts réunis des camarades, il se fût noyé avec elle, n’y voyant plus, le souffle perdu, à bout de forces, après tant d’heures passées debout, après surtout ce suprême assaut donné aux vagues, lorsqu’il avait dû se cramponner à l’écueil.

Un petit rire chanta le long de ses grosses lèvres saines, montrant l’éclat des dents robustes, car, maintenant, tout cela lui revenait, tandis qu’il était là, à pêcher sans fatigue, ses bras herculéens n’ayant plus à manœuvrer qu’une mince ligne qui glissait entre ses doigts.

Encore un maquereau de fameuse taille que l’hameçon crochait à pleine gueule ; il le saisit, arracha le fer ensanglanté, et, le jetant sur le tas :

— Plus de cent que ça fait ?

Un des hommes qui avait compté riposta :

— Cent vingt et un, patron.

Il n’y avait pas une heure qu’on était au large, dans le bercement caresseur des vagues : tout allait bien. Il remua la tête de plaisir, ses yeux couleur d’eau marine tout semés de paillettes vibrantes, faisant, sur une intonation chantante :

— Ah ! ah !… Ah ! ah !…

Cette musique le ramena encore à Yvonne ; un saisissement le prit, car il se rappelait :