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Page:Gustave Toudouze - Péri en mer, 1905.pdf/308

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le merveilleux petit village de Kerlocʼh, noyé au fond de l’anse de Dinan, le long de la route de Camaret à Crozon, vivait dans une chaumière croulante, sordide avec son purin de fumier devant la porte, se privant de tout, se refusant tout, à lui et aux siens, dans la crainte de dépenser un sou de sa fortune, une fortune représentant de quinze à vingt mille francs de rentes, en champs, propriétés, bestiaux, numéraire caché.

De vraies légendes couraient sur lui, et Marhadour s’amusait à le taquiner chaque fois qu’il le rencontrait, sachant le chatouiller aux endroits sensibles, faire jaillir les mots d’avare de sa vieille peau, de ses lèvres sèches, comme les étincelles d’un silex adroitement frappé.

Souvent il le prenait à partie à cause de son entêtement à ne pas vouloir faire donner d’instruction à sa fille ; Moal répondait :

— Je ne sais ni lire ni écrire ; est-ce que ça m’empêche de vivre ?

— C’était bon de votre temps, faisait le boucher ; alors on n’avait pas besoin de tout cela. Mais les temps ont changé, on ne peut plus se tirer d’affaire autrement.

Le vieux ricanait :

— Pas besoin d’instruction pour garder les moutons !

C’était à cela, en effet, qu’il employait Bernardine, par tous les temps, pluie, froid, soleil, cha-