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Page:Guy de Maupassant - Clair de lune.djvu/115

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de tout cela plus tard, car je vous assure que, dans l’instant de l’apparition, je ne songeais à rien. J’avais peur.

« Elle dit :

« — Oh ! monsieur, vous pouvez me rendre un grand service !

« Je voulus répondre, mais il me fut impossible de prononcer un mot. Un bruit vague sortit de ma gorge.

« Elle reprit :

« — Voulez-vous ? Vous pouvez me sauver, me guérir. Je souffre affreusement. Je souffre toujours. Je souffre, oh ! je souffre !

« Et elle s’assit doucement dans mon fauteuil. Elle me regardait :

« — Voulez-vous ?

« Je fis : « Oui ! » de la tête, ayant encore la voix paralysée.

« Alors elle me tendit un peigne de femme en écaille et elle murmura :

« — Peignez-moi, oh ! peignez-moi ; cela me guérira ; il faut qu’on me peigne. Regardez ma tête… Comme je souffre ; et mes cheveux, comme ils me font mal !

« Ses cheveux dénoués, très longs, très noirs, me semblait-il, pendaient par dessus le dossier du fauteuil et touchaient la terre.

« Pourquoi ai-je fait ceci ? Pourquoi ai-je reçu en frissonnant ce peigne, et pourquoi ai-je pris dans mes mains ses longs cheveux qui me donnèrent à la peau une sensation de froid atroce comme si j’eusse manié des serpents ? Je n’en sais rien.

« Cette sensation m’est restée dans les doigts et je tressaille en y songeant.

« Je la peignai. Je maniai je ne sais comment cette chevelure de glace. Je la tordis, je la renouai et la dénouai ; je la tressai comme on tresse la crinière d’un cheval. Elle soupirait, penchait la tête, semblait heureuse.

« Soudain elle me dit : « Merci ! » m’arracha le peigne des mains et s’enfuit par la porte que j’avais remarquée entr’ouverte.