Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/121

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voir s’attacher à rien, s’occuper à rien, de juger insuffisantes, non seulement à absorber sa pensée, mais même à immobiliser son corps, les habitudes ordinaires dont il distrayait sa vie intime, la lecture et la musique, il se demanda ce qu’il allait faire pour apaiser ce trouble nouveau. Un besoin de sortir, de marcher, de remuer semblait entré en lui, physique et inexplicable, cette crise d’agitation inoculée au corps par la pensée, et qui est simplement une instinctive et inapaisable envie de chercher et de retrouver quelqu’un.

Il mit son pardessus, prit son chapeau, ouvrit sa porte, et, en descendant l’escalier, il se demandait : « Où vais-je ? » Alors une idée à laquelle il ne s’était point encore arrêté le saisit. — Il lui fallait, pour abriter leurs rencontres, un logis secret, discret et joli.

Il chercha, il marcha, parcourut des avenues après des rues, des boulevards après les avenues, examina avec inquiétude les concierges à sourires complaisants, les loueuses à mines suspectes, les appartements à étoffes douteuses, et il rentra le soir, découragé. Dès neuf heures le lendemain, il se remettait en quête, et il finit par découvrir, à la nuit tombante, dans une ruelle d’Auteuil, au fond d’un jardin ayant trois issues, un pavillon solitaire qu’un tapissier du voisinage promit de garnir en deux jours. Il choisit les étoffes, voulut des meubles très simples, en bois de pin verni, et des tapis fort épais. Ce jardin était sous la garde d’un boulanger