Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/144

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sions et d’agitations violentes. Elle était connue de tout Paris comme la plus extravagante des mondaines du vrai monde, la plus spirituelle aussi ; mais personne ne savait au juste ce qu’elle était, ce qu’elle pensait, ce qu’elle faisait. Elle dominait en général les hommes avec une puissance irrésistible. Son mari également demeurait une énigme. Affable et grand seigneur, il semblait ne rien voir. Était-il aveugle, indifférent ou complaisant ? Peut-être n’avait-il vraiment autre chose à voir que des excentricités qui, sans doute, l’amusaient lui-même. Toutes les opinions d’ailleurs se donnaient cours sur lui. Des bruits très méchants couraient. On allait jusqu’à insinuer qu’il profitait des vices secrets de sa femme.

Entre Mme de Burne et elle, il y avait des attirances de nature et des jalousies féroces, des périodes d’intimité suivies par des crises d’inimitié furieuse. Elles se plaisaient, se redoutaient et se recherchaient, comme deux duellistes de profession qui s’apprécient et désirent se tuer.

La baronne de Frémines, en ce moment, triomphait. Elle venait de remporter une victoire, une grande victoire : elle avait conquis Lamarthe ; elle l’avait pris à sa rivale, détaché et cueilli pour le domestiquer ostensiblement parmi ses suivants attitrés. Le romancier semblait épris, intrigué, charmé et stupéfait de tout ce qu’il avait découvert dans cette créature invraisemblable, et il ne pouvait