Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sienne. Il y trouvait en effet de quoi se dire : « Elle m’aime bien, » jamais de quoi s’écrier : « Elle m’aime ! » Elle continuait dans sa correspondance le joli et poétique roman commencé au Mont Saint-Michel. C’était de la littérature d’amour, pas de l’amour.

Quand il avait fini de lire et de relire, il enfermait dans un tiroir ces papiers chéris et désespérants, et il s’asseyait dans son fauteuil. Il y avait déjà passé des heures bien dures.

Au bout de quelque temps elle répondit moins, un peu fatiguée sans doute de faire des phrases et de redire les mêmes choses. Elle traversait d’ailleurs une période d’agitation mondaine, qu’André avait senti venir avec ce surcroît de souffrance qu’apportent aux cœurs en peine les plus petits incidents désagréables.

C’était un hiver à fêtes. Une griserie de plaisir avait envahi Paris, secouait la ville, où les fiacres et les coupés roulaient tout le long des nuits, voiturant à travers les rues, derrière leurs glaces relevées, des apparitions blanches de femmes en toilette. On s’amusait ; on ne parlait que de comédies et de bals, de matinées et de soirées. La contagion, comme une épidémie de divertissements, avait gagné subitement toutes les classes de la société et Mme  de Burne aussi en fut atteinte.

Cela commença par un succès de beauté qu’elle obtint au ballet dansé à l’ambassade d’Autriche. Le comte de Bernhaus avait établi des relations entre