Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/183

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beaucoup. » — « Est-ce que je ne vous aime pas ? » Il les connaissait, ces formules, qui ne disent rien par ce qu’elles ajoutent. Peut-il exister des proportions quand on subit l’amour ?
Peut-on juger si on aime bien ou mal ? Aimer beaucoup, comme c’est aimer peu ! On aime, rien de plus, rien de moins. On ne peut pas compléter cela. On ne peut rien imaginer, on ne peut rien dire au delà de ce mot. Il est court, il est tout. Il devient le corps, l’âme, la vie, l’être entier. On le sent comme la chaleur du sang, on le respire comme l’air, on le porte en soi comme la pensée, car il se fait l’unique Pensée. Rien n’existe plus que lui. Ce n’est pas un mot, c’est un inexprimable état, figuré par quelques lettres. Quoi qu’on fasse, on ne fait rien, on ne voit rien, on n’éprouve rien, on ne goûte rien, on ne souffre de rien comme avant. Mariolle était devenu la proie de ce petit verbe ; et son œil courait sur les lignes, y cherchant la révélation d’une tendresse pareille à la