Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/97

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battait de passion. Elle les reconnaissait, croyait-elle, avec une promptitude et une sûreté de pénétration exceptionnelles. Souvent, en effet, elle avait flairé et dévoilé des liaisons avant que dans la société on les eût encore soupçonnées.

Quand elle songeait à cela, à cette folie tendre où pouvait nous jeter l’existence voisine d’un autre être, sa vue, sa parole, sa pensée, le je ne sais quoi de l’intime personne dont notre cœur devient éperdûment troublé, elle s’en jugeait incapable. Et cependant, que de fois, lasse de tout et rêvant à d’inexprimables désirs, tourmentée par cette harcelante envie de changement et d’inconnu qui n’était peut-être que l’agitation obscure d’une indéfinie recherche d’affection, elle avait souhaité avec une honte secrète née dans son orgueil, de rencontrer un homme qui la jetterait, ne fût-ce que pendant quelque temps, quelques mois, dans cette surexcitation ensorcelante de toute la pensée et de tout le corps ; car la vie, en ces périodes d’émotion, devait prendre un étrange attrait d’extase et d’ivresse.

Non seulement elle avait souhaité cette rencontre, mais elle l’avait même un peu cherchée, rien qu’un peu, avec cette activité indolente qui ne s’arrêtait longtemps à rien.

En tous ses commencements d’entraînement vers les hommes qualifiés supérieurs qui l’avaient éblouie durant quelques semaines, c’était toujours en des déceptions irrémédiables que sa courte effervescence