Page:Guy de Maupassant - Une vie.djvu/160

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résolution est bien prise ; je veux tout savoir, surtout maintenant ; tu entends, je veux ; et tu sais qu’il ne faut pas me contrarier dans la situation où je suis. Écoute bien. Tu vas aller chercher M. le curé. J’ai besoin de lui pour empêcher Rosalie de mentir ; puis, dès qu’il sera venu, tu la feras monter et tu resteras là avec petite mère. Surtout veille à ce que Julien n’ait pas de soupçons. »

Une heure plus tard le prêtre entrait, engraissé encore, soufflant autant que petite mère. Il s’assit près d’elle dans un fauteuil, le ventre tombant entre ses jambes ouvertes ; et il commença par plaisanter, en passant par habitude son mouchoir à carreaux sur son front : « Eh bien, madame la baronne, je crois que nous ne maigrissons pas ; m’est avis que nous faisons la paire. » Puis, se tournant vers le lit de la malade : « Hé ! hé ! qu’est-ce qu’on m’a dit, ma jeune dame, que nous aurions bientôt un nouveau baptême ? Ah ! ah ! ah ! pas d’une barque cette fois. » Et il ajouta d’un ton grave :

« Ce sera un défenseur pour la patrie » ; puis, après une courte réflexion : « À moins que ce ne soit une bonne mère de famille ; » et, saluant la baronne, « comme vous, Madame. »

Mais la porte du fond s’ouvrit. Rosalie, éperdue, larmoyant, refusait d’entrer, cramponnée à l’encadrement, et poussée par le baron. Impatienté, il la jeta d’une secousse dans la chambre. Alors elle se couvrit la face de ses mains et resta debout, sanglotant.

Jeanne, dès qu’elle l’aperçut, se dressa brusquement, s’assit, plus pâle que ses draps ; et son cœur affolé sou-