Page:Guyau - Éducation et Hérédité.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET L’HÉRÉDITÉ.

élèves mangent trop vite et en silence, ce qui amène les digestions difficiles. L’air vicié des classes va s’altérant de plus en plus avec la durée du travail. Nous nous révolterions à l’idée de manger à la gamelle ; mais en réalité, dans les salles des collèges, nous respirons, comme on l’a dit, à la gamelle ; ou plutôt nous faisons mieux encore, nous reprenons un air exhalé déjà plusieurs fois.

Outre une bonne nourriture et un bon air, une chose essentielle c’est une quantité de sommeil bien réparti. L’alimentation seule est insuffisante pour réparer les dépenses du système nerveux, et un des grands inconvénients de l’éducation moderne, c’est de raccourcir le sommeil des enfants ou de le mal répartir.

Tout le monde a reconnu les dangers que l’internat peut présenter sous le rapport de l’hygiène, agglomérations trop considérables, claustration malsaine pour l’esprit comme pour le corps : cadres rigides, règles étroites, qui brisent trop souvent chez l’enfant ce ressort de la volonté qu’une éducation bien entendue doit avoir pour objet de fortifier ; difficulté du recrutement des maîtres intérieurs ; éloignement de la famille, qui se désintéresse, tandis que l’enfant lui-même se désaffectionne. Il fallut les plus violents efforts de Napoléon Ier pour peupler les lycées d’internes ; la création de 6400 bourses ne paraît pas y avoir suffi. Par surcroît, l’arrêté du 18 janvier et le décret du 15 novembre 1811 vinrent fermer brutalement les petits pensionnats établis soit chez les professeurs de l’Université, soit chez d’autres personnes. L’internat est donc une institution artificiellement implantée en France par la main toute-puissante de l’État. Napoléon voulait que le lycéen fût déjà un soldat et un fonctionnaire. Au point de vue des mœurs, M. Sainte-Claire Deville a appelé, il y a près de vingt ans déjà, sur la question de l’internat, l’attention de l’Académie des sciences morales et politiques : « La morale expérimentale, qu’on me passe le mot, disait-il. ne peut pas plus se pratiquer sur l’homme que la physiologie ; mais quand on opère sur des animaux, quand, tenant un compte suffisant de l’intelligence humaine, on cherche à découvrir les causes physiques des défauts et des vices dans les enfants, qui, à certains moments de leur développement, sont si près des animaux, je suis persuadé qu’on peut arriver à des conséquences pratiques d’un haut intérêt… En général, toutes les fois qu’on rassemble et qu’on