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L’ÉDUCATION MORALE.

pagne qui devait attirer les enfants ; c’est là qu’ils devaient faire provision de gaieté et de santé. Dans les promenades géologiques, le maître, avant le départ, réunit les explorateurs, et leur donne, en vingt minutes, quelques notions générales sur le terrain qu’on va étudier ; puis chacun prend son marteau et son sac, et l’on se hâte d’aller prendre, en pleine campagne, une leçon dont le souvenir ne s’effacera pas. Les sciences de faits, l’histoire, l’histoire naturelle, la géographie, s’apprennent par les yeux. Montaigne ne se contentait pas de promenades pour son élève ; il voulait de vrais voyages, c’est aussi l’avis de Locke. Rien ne serait plus facile et moins coûteux, comme M. Bouillier l’a démontré, qu’un voyage d’un lycée à l’autre, vers la mer ou les montagnes, vers une ville curieuse à visiter, de Paris en province ou de la province à Paris, moyennant des stations tout le long de la route dans les lycées ou collèges, qui seraient comme autant de bonnes auberges gratuites, et moyennant une réduction de prix sur les chemins de fer pour la tunique du lycéen comme pour l’habit militaire. Finalement tout se réglerait par un échange de rations entre les économes, qui auraient mutuellement donné l’hospitalité à des divisions de lycéens en voyage.

Les internats devraient être établis en dehors des villes et, autant que possible, sur des hauteurs : s’il existait en France, comme en Angleterre et en Allemagne, de grands collèges en pleine campagne, à proximité des forêts, ou mieux encore dans les altitudes du Dauphiné ou des Pyrénées, la mode finirait par les adopter comme le lieu d’éducation obligatoire pour les enfants de la classe aisée. Ainsi on pourrait combattre la dégénérescence de la bourgeoisie, beaucoup plus rapide en France qu’ailleurs.

    ville éternellemeni agitée laisse tout détruire, tantôt par le temps, tantôt par les émeutiers, tantôt aux frais de ses édiles ; elle ne prodigue ni les statues ni les inscriptions : raison de plus pour chercher pieusement les traces de l’histoire, campos ubi Troja. Même pour comprendre l’histoire de la Révolution, il faut s’être rendu compte des transformations de Paris. Si l’on ignore qu’il y avait tout un quartier, des théâtres, des palais, un marché, l’hôtel des pages, deux casernes entre le Louvre et les Tuileries, on ne peut pas s’expliquer la scène du 10 août. Combien y a-t-il de Parisiens qui sachent où siégeait la Convention ? où était la salle des Feuillants ? celle des Jacobins ? Les étudiants en médecine qui visitent le musée Dupuytren, ne savent pas toujours qu’ils sont dans le club des Cordeliers. Cet obélisque, entre les Champs-Élysées et les Tuileries, est-il là pour cacher la place de l’échafaud révolutionnaire, ou pour la marquer ?