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L’ÉDUCATION PHYSIQUE ET L’HÉRÉDITÉ.

pendant un certain temps, ne connaissaient point de rivaux, s’arrêtent court si souvent et frustrent la haute espérance qu’avaient conçue d’eux leurs parents ». Il faut des années de repos forcé pour faire disparaître les maladies qui ont été produites, sous des formes et à des degrés divers, par cet abus prolongé du travail cérébral. Quelquefois c’est le cœur qui est principalement affecté : palpitations habituelles, pouls faible ; diminution du nombre des battements de soixante-douze à cinquante, et même moins. Quelquefois, c’est l’estomac qui souffre le plus : une dyspepsie survient, qui fait de la vie un fardeau et ne peut se guérir qu’à la longue. Dans beaucoup de cas, le cœur et l’estomac sont atteints tous deux. Presque toujours, le sommeil est court et interrompu, et généralement il y a plus ou moins d’abattement intellectuel. Un système de travail excessif est erroné de quelque point de vue qu’on l’envisage. Il est erroné au point de vue des connaissances à acquérir ; car l’esprit, comme le corps, ne peut s’assimiler au delà d’une certaine somme d’aliments : il rejette bientôt le trop-plein de faits que vous lui présentez. Au lieu de devenir « des pierres de l’édifice intellectuel », les faits ne font que passer dans la mémoire. Il est erroné, parce que son effet est d’inspirer le dégoût de l’étude. Il est erroné encore, parce qu’il suppose que l’acquisition des connaissances est tout : il oublie que l’organisation des connaissances est beaucoup plus importante. Pour cette organisation, dit Spencer, deux choses sont nécessaires : le temps et le travail spontané de la pensée. « Ce ne sont pas les connaissances amassées dans le cerveau, comme la graisse dans le corps, qui sont de grande valeur, ce sont les connaissances converties en muscles de l’esprit ». Une machine comparativement petite et imparfaite, mais marchant à haute pression, fera plus de travail qu’une machine grande et très finie, qui ne marchera qu’à pression basse. Quelle folie n’est-ce donc pas, en voulant perfectionner la machine, que d’endommager la chaudière, si bien qu’elle ne peut plus fournir de vapeur[1] !

Le surmenage dont se plaint Spencer est beaucoup plus exceptionnel en Angleterre qu’en France, où il est la règle même. Les élèves des lycées de Paris ont quatre heures de classe par jour et sept heures d’étude ; soit onze ; en

  1. Voir Spencer, de l’Éducation, 3e partie.