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L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPÉRIEUR

rement à l’antiquité latine et grecque ; rien de plus naturel que de maintenir ce lien, puisque les grecs et les latins demeurent, après tout, des maîtres incomparables de littérature. Ils n’ont pas démérité, que nous sachions, pour être chassés par les Tudesques et par les Anglo-Saxons. Qu’y gagneriez-vous ? Vous verriez reparaître, après les sept ou huit années de collège qui seraient toujours nécessaires à une éducation complète, la même ignorance de l’allemand ou de l’anglais, au lieu de l’ignorance du latin et du grec. Ce ne sont pas, d’ailleurs, les connaissances linguistiques acquises qu’il faut considérer, mais le développement acquis de l’esprit et du goût. À ce point de vue, restons à l’école des classiques anciens, qui ont été les maîtres des classiques français.

On a adopté dans nos collèges les traductions cursives et orales, au lieu des longs devoirs écrits, les exercices demi passifs au lieu des exercices actifs, thèmes, vers, discours. En cela, selon nous, on a fait fausse route. On a cru qu’il fallait avant tout connaître d’un bout à l’autre le plus grand nombre possible d’ouvrages anciens ; mais ce n’est point ici une affaire de quantité. D’ailleurs les anciens, — et non pas seulement Homère, mais presque tous les autres, — dorment beaucoup. Mieux vaut un fragment antique étudié à fond que tout un livre lu à la hâte. S’attacher à un auteur, pénétrer sa pensée dans chaque phrase, la suivre en comparant les phrases les unes avec les autres, voilà qui donne à l’intelligence force et logique. Il y a de plus ici le travail de la forme : il faut interpréter fidèlement un auteur sans rien lui ôter, sans lui prêter rien, traduire le sens, le mouvement, la couleur, l’harmonie : la langue s’assouplit à ce travail Le discours, quand on donne seulement le sujet et quelques notions d’histoire qui s’y rapportent, apprend à trouver les idées et les sentiments qui conviennent à une situation particulière, à un caractère. C’est un exercice psychologique. Le professeur, bien entendu, doit inspirer aux élèves le mépris de la déclamation, l’amour de la vérité, mettre le plus souvent sous leurs yeux les discours réels que fournit l’histoire[1]. Il doit chercher pour les compositions françaises des sujets familiers aux élèves, où ils

  1. Voir Bersot, Questions d’enseignement.