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STOÏCISME ET CHRISTIANISME.

et on les massacrait après les avoir adorés. Mais les chrétiens, qui refusaient d’admettre la divinité de l’empereur, s’inclinaient du moins devant son pouvoir ; jamais leur soumission ne se démentit. Grande était sur ce point, comme sur tous les autres, la différence entre les philosophes et les chrétiens. « Combien de philosophes, dit ailleurs Tertullien, aboient contre les princes sans que vous y trouviez à redire ! » Dès le temps de Sénèque, on accusait les philosophes de rébellion contre le pouvoir impérial ; plus tard, Vespasien exila de Rome tous les philosophes, sauf Musonius Rufus. Sans doute les philosophes, comme les chrétiens, recommandaient la résignation en face du pouvoir impérial ; mais les uns avaient un profond mépris pour ce pouvoir conféré, dit Épictète, au « premier imbécile venu » ; les autres voyaient dans l’empereur le représentant de Dieu sur la terre, revêtu à ce titre d’une sorte de caractère sacré qui, sans le rendre digne d’adoration, le rendait cependant l’objet du respect : aussi l’esprit républicain, après s’être conservé chez les philosophes, surtout chez les stoïciens, s’éteint avec le christianisme, « Il faut obéir aux puissances », dit saint Paul ; « car toute puissance vient de Dieu. » — « Soyez soumis à vos maîtres, » s’écrie saint Pierre, « lors même qu’ils sont fâcheux et malfaisants. » — « Le chrétien n’est l’ennemi de personne, dit Tertullien (ad. Scapul.) comment le serait-il de l’empereur, qui a été établi par Dieu ? ildoit l’aimer, le révérer, l’honorer, faire des vœux pour son salut. Nous honorons donc l’empereur comme le premier après Dieu, comme celui qui n’a que Dieu au-dessus de lui. » — « Si l’empereur désire nos champs, dit saint Ambroise, (Orat. de basiiicis tradendis, 38, t. III, p. 872), il a le pouvoir de les prendre, personne de nous ne résistera… nous payons à César ce qui est à César. » — « L’Église, répète à son tour saint Augustin (de catech. rudib., 11), composée des citoyens de la Jérusalem céleste, doit servir sous les rois de la terre. Car la doctrine apostolique dit : « Que toute mon âme soit soumise aux puissances. » — « Il faut obéir aux princes comme à la justice même, dira Bossuet : ils sont des dieux. »

Tertullien dit des païens : « Negant accusati, ne torti quidem facilè aut semper confitentur, certè damnati mœrent : dinumerant in semetipsos : mentis malæ impetus