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L’ÉDUCATION MORALE.

conduite. Jeanne Sch…, âgée de vingt-deux ans, voleuse, prostituée, ordurière, paresseuse et malpropre, est transformée par M. Voisin de la Salpêtrière — grâce à la suggestion hypnotique — en une personne obéissante, soumise, honnête, laborieuse et propre. Elle qui n’avait pas voulu lire une ligne depuis plusieurs années, elle apprend par cœur des pages d’un livre de morale ; tous ses sentiments affectifs sont réveillés ; elle est finalement admise comme employée dans un établissement hospitalier, où « sa conduite est irréprochable. » Il est vrai que c’est simplement la substitution d’un nervosisme doux à un nervosisme déplaisant. Nombre de cas de guérison morale du même genre se sont produits à la Salpêtrière. Même parmi sa clientèle de la ville, M. Voisin prétend, par la suggestion hypnotique, avoir transformé une femme dont le caractère était insupportable, la rendre douce, affectueuse avec son mari et désormais inaccessible à la colère ! Voilà une belle métamorphose ! De même, le Dr Liébault, de Nancy, aurait réussi, au moyen d’une seule suggestion, à rendre laborieux pendant six semaines un enfant d’une paresse obstinée. C’est un commencement. On peut seulement se demander s’il ne vaut pas mieux laisser un enfant dans la paresse que de le rendre névropathe. M. Delbœuf a proposé récemment l’emploi de la suggestion dans les maisons de correction ou de réforme pour les jeunes malfaiteurs. Déjà plusieurs médecins ont demandé l’autorisation de procéder à des essais. Tout en faisant la part de l’enthousiasme médical, il reste vrai que la suggestion a une influence considérable, et le psychologue peut, nous le verrons, tirer des conséquences importantes de ce fait.


II. — SUGGESTION PSYCHOLOGIQUE, MORALE ET SOCIALE

La suggestion physiologique et névropathique n’est que l’exagération de faits qui se passent à l’état normal. L’expérimentation sur le système nerveux est une sorte d’analyse qui isole les faits et qui, en les isolant, les met en relief. On peut donc et on doit admettre une suggestion psychologique, morale, sociale, qui se produit même chez les plus sains, sans acquérir cette sorte de grossissement artificiel que lui donnent les troubles nerveux. Cette sug-