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L’ÉDUCATION MORALE.

qu’il rencontrerait de toutes parts des obstacles insurmontables, il pourrait encore lutter contre ces obstacles, et si tout autre pouvoir lui était enlevé, il pourrait encore vouloir.

Dans le for intérieur s’unissent donc d’un lien indissoluble la croyance au devoir et la croyance du pouvoir. Ce qui fonde le devoir, en effet, c’est le sentiment de la liberté respectable et aimable que nous portons en nous ; or, ce qui constitue précisément cette liberté, c’est le pouvoir d’agir par soi-même, sans emprunter son mérite à rien d’extérieur. Pascal conçoit trop la fin morale comme une sorte de but physique et extérieur à nous, qu’on serait capable de voir sans être capable de l’atteindre. « On dirige sa vue en haut, dit-il dans ses Pensées, mais on s’appuie sur le sable, et la terre fondra, et on tombera en regardant le ciel. » Mais, pourrait-on répondre, le ciel dont veut ici parler Pascal, le ciel que nous portons en notre âme, n’est-il pas tout différent de celui que nous apercevons sur nos têtes ? Ne faut-il pas dire ici que voir, c’est toucher et posséder ; que la vue du but moral rend possible et commence la marche vers ce but ; que le point d’appui qu’on trouve dans la bonne volonté ne peut fondre ; qu’on ne peut tomber en allant au bien, et qu’en ce sens, regarder le ciel, c’est déjà y monter ?


FIN