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Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/133

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la vie individuelle et sociale dans l’art.

le progrès général de la pensée humaine et aussi de l’art humain. Ajoutons que le signe d’un sentiment spontané et intense, c’est un langage simple ; rémotion la plus vive est celle qui se traduit par le geste le plus voisin du réflexe et par le mot le plus voisin du cri, celui qu’on retrouve à peu près dans toutes les langues humaines. C’est pour cela que le sens le plus profond appartient en poésie au mot le plus simple ; mais cette simplicité du langage ému n’empêche nullement la richesse et la complexité infinie de la pensée qui s’y condense. La pensée peut devenir vitale en quelque sorte, et le simple peut ne marquer qu’un degré supérieur dans l’élaboration du complexe ; c’est la fine goutte d’eau qui tombe du nuage et qui a eu besoin, pour se former, de toutes les profondeurs du ciel et de la mer.

Quoi de plus simple que le vêtement de la Polymnie du Louvre ? Point de broderies ni d’ornements : un péplum jeté sur le corps de la déesse ; mais ce vêtement forme des plis infinis, dont chacun a une grâce qui lui est propre et qui pourtant se confond avec la grâce même des membres divins. Cette infinie variété dans la simplicité est l’idéal du style. Malheureusement, il est aussi difficile de rester longtemps dans le simple et le naturel que dans le sublime. Le grand artiste, simple jusqu’en ses profondeurs, est celui qui garde en face du monde une certaine nouveauté de cœur et comme une éternelle fraîcheur de sensation. Par sa puissance à briser les associations banales et communes, qui pour les autres hommes enserrent les phénomènes dans une quantité de moules tout faits, il ressemble à l’enfant qui commence la vie et qui éprouve la stupéfaction vague de l’existence fraîche éclose. Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant.