Pour faire ce qui vit prenant ce qui n’est plus,
Maître des infinis, a tous les superflus,
Et qui, — puisqu’il permet la faute, la misère,
Le mal, — semble parfois manquer du nécessaire [1] ?
L’être est morne, odieux à sonder, triste à voir.
De là les battements d’ailes du désespoir [2].
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Oh ! si le mal devait demeurer seul debout,
Si le mensonge immense était le fond de tout,
Tout se révolterait. Oh ! ce n’est plus un temple
Qu’aurait sous les yeux l’homme eu ce ciel qu’il contemple.
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De tout ce qui paraît, disparaît, reparaît.
Une accusation lugubre sortirait [3].
Mais, comme tous les critiques l’ont remarqué, l’optimisme finit toujours par l’emporter chez Hugo, — et aussi d’ailleurs chez les manichéens eux-mêmes, qui aboutissaient à une absorption finale des ténèbres dans la lumière.
Le cheval doit être manichéen :
Arimane lui fait du mal, Ormus du bien ;
Tout le jour, sous le fouet il est comme une cible ;
Il sent derrière lui l’affreux maître invisible.
Le démon inconnu qui l’accable de coups ;
Le soir, il voit un être empressé, bon et doux,
Qui lui donne à manger et qui lui donne à boire.
Met de la paille fraîche en sa litière noire.
Et tâche d’etfaccr le mal par le calmant,
Et le rude travail par le repos clément ;
Quelqu’un le persécute, hélas ! mais quelqu’un l’aime.
Et le cheval se dit : « Ils sont deux. » — C’est le même [4].
Et dans les Contemplations :
L’immensité dit : « Mort ! » L’éternité dit : « Nuit ! »
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Tout semble le chevet d’un immense mourant :
Tout est l’ombre ; pareille au reflet d’une lampe.
Au fond, une lueur imperceptible rampe ;
C’est à peine un coin blanc, pas même une rougeur.
Un seul homme debout, qu’ils nomment le songeur,
Regarde la clarté du haut de la colline ;
Et tout, hormis le coq à la voix sibylline,