mythe ; le poète est, selon le mot de Platon, μυθολογιϰός ; c’est donc à bon droit qu’on a placé au premier rang, parmi les dons du grand poète, la puissance mythologique{{lié}[1]. La pensée poétique doit s’incarner dans le mot-image, qui est son verbe.
Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant ;
La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant.
Le mot, le terme, type venu on ne sait d’où, a la force de l’invisible, l’aspect de l’inconnu :
De quelque mot profond tout homme est le disciple ;
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux^ les mots sont les c( passants mystérieux de l’âme ».
Chacun d’eux du cerveau garde une région ;
Pourquoi ? c’est que le mot s’appelle Légion ;
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Nemrod dit : « Guerre ! » alors, du Gange à l’Hissus,
Le fer luit, le sang coule. « Aimez-vous ! » dit Jésus.
Et ce mot à jamais brille .....
Dans les cieux, sur les fleurs, sur l’homme rajeuni,
Comme le flamboiement d’amour de l’infini !
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Car le mot, c’est le verbe, et le verbe, c’est Dieu [2].
Mais le vrai verbe n’est pas une forme adaptée à la pensée, il est la pensée même se communiquant à autrui par un prolongement sympathique. Le meilleur de nos poètes philosophes, Snlly-Prudhomme nous dit : « Le vers est la forme la plus apte à consacrer ce que l’écrivain lui confie, et l’on peut, je crois, lui confier, outre tous les sentiments, presque toutes les idées. » À une condition, toutefois, c’est que le vers ne soit jamais un vêtement ajouté après coup à des idées conçues d’abord d’une manière abstraite. Suily-Prudhomme va nous donner lui-même des exemples de la plus belle et aussi de la médiocre poésie philosophique, de celle qui est spontanée et de celle qui est un travail de mise en vers.