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l’art au point de vue sociologique.

sicien qui ne donnerait guère d’un air que l’accompagnement, ou un peintre qui s’appliquerait à n’éclairer son tableau que d’une lumière partout unie. À la vérité, ce ne sont pas tant les humbles qu’il a remarqués dans notre société que les ordinaires ; et dans leur vie, c’est le côté ordinaire, habituel, commun à tous qu’il a cherché à faire saillir. La plupart du temps, aux détails qu’il sème à travers ses récits, il ne demande pas tant d’être expressifs de la réalité que de se répéter souvent dans la réalité. Même le souvenir, pour lui, se revêt trop du prosaïsme de l’action journahère ; il oublie que le souvenir rend aux choses, en les résumant et les condensant, en quelque sorte, tout le prix qu’eUes perdaient par le fractionnement quotidien. Olivier a résolu d’aller porter des fleurs sur la tombe de sa mère, et sa pensée se trouve ramenée tout naturellement à son enfance, à sa mère :


Olivier revoyait les plus minimes choses ;
.................
      … le grand potager derrière la maison
Où, pour faire la soupe et seloa la saison,
Sa mère allait cueillir les choux-fleurs et l’oseille.


Il devait revoir ces choses ; il devait en revoir d’autres aussi, et plus importantes, qu’il eût été bon de dire. Voir à travers le souvenir, c’est voir à travers un rayon de lumière : tout semble devenir transparent, s’éclaire, se transfigure ; pourtant rien n’est changé à la réalité, rien, sinon peut-être qu’on en saisit mieux le vrai sens.

Coppée est le paisible habitant de Paris qui, du plus loin qu’il se souvienne, se retrouve suivant ces mêmes boulevards qu’il arpente aujourd’hui d’un pas à peine plus tranquille :


Et quand mes petits pieds étaient assez solides.
Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides,
Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs.
Nous suivions la retraite et les petits tambours.



Oui, c’est sa promenade dans Paris, dans la vie, si vous aimez mieux, qu’il nous peint avec ses yeux de poète. Dès ses premiers regards, il s’est appliqué « à noter les tons fins d’un ciel mélancolique » sans jamais dépasser les « vieux bords