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Page:Guyau - L’Art au point de vue sociologique.djvu/357

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le style.

grandiose par contraste, lorsque les événements qu’il suit sont eux-mêmes très grands, et que de plus ils s’enchaînent de manière à produire la suprême logique, celle de la réalité, et la suprême proportion, la proportion mouvante de la vie.

Le style oratoire est proche du style poétique, avec cette différence que l’orateur compte sur la distraction des auditeurs, et le poète sur la concentration de leur attention. La phrase d’un discours est faite pour qu’on n’en pèse pas tous les mots dans la rapidité du débit, pour que les idées essentielles soient seules mises en relief par des mots saillants. L’éloquence nous donne, par l’improvisation, le plaisir particulier d’assister sympathiquement au travail même de la pensée, à l’élaboration parfois plus ou moins pénible de la phrase, à la naissance de l’idée pétrie dans les mots : c’est ce plaisir royal qu’éprouva Louis XIV à voir sortir du marbre sa propre figure taillée par Coysevox sans ébauche préalable. Le style oratoire est complété par le geste et la diction, qui y introduisent déjà les articulations et le rythme, deux caractères essentiels de la vie organisée. L’éloquence est rythmée par le débit même, de façon à produire ainsi la vibration sympathique et à faire partager tous les sentiments de l’orateur.

Quant au style poétique et proprement esthétique, qui mérite une étude particuhère, il est d’abord une éloquence réduite au cœur et à la moelle, débarrassée de toutes les -conventions que réclame le milieu oratoire, ramenée à l’image, au rythme et à l’accent, choses relativement intemporelles et qui varient le moins dans les milieux les plus divers. Mais le poétique du style n’est pas seulement dans les images, le rythme et l’accent : il est aussi, il est surtout dans le caractère expressif et suggestif des paroles. En général, le poétique n’est pas la même chose que le beau ; la beauté réside surtout dans la forme, dans ses proportions et son harmonie, le poétique réside surtout dans ce que la forme exprime ou suggère, plutôt qu’elle ne le montre. Le beau est dans ce qui se voit, le poétique dans ce qui ne se laisse qu’entrevoir. La demi-ombre des bois, la clarté adoucie du crépuscule, la lumière pâle de la lune sont poétiques, précisément parce