La métaphore est un procédé de sympathie par lequel nous entrons en société et en communication de sentiment avec des choses qui paraissaient d’abord insensibles et mortes. L’image ne doit donc jamais être un ornement surajouté ; elle doit être pour l’esprit une illustration, un moyen de projeter la lumière et la vie sur l’objet dont on parle, une sorte d’éclair ouvrant la brume indistincte ; en même temps, pour le cœur, elle doit être une chaleur qui fait vibrer. Les Grecs, ce peuple tout intellectualiste, ont trop considéré les figures de langage à un point de vue purement logique (synecdoche, métonymie, etc.) ; ils n’ont pas assez fait la psychologie du langage imagé. La métaphore ou la comparaison est un moyen de renforcer l’image mentale, qui s’use par l’effet de l’habitude, en la reliant à d’autres représentations qui ont encore toute leur vivacité et qui produisent par cela même la suggestion voulue. Le mécanisme psychologique qui explique l’effet esthétique de l’image est le suivant : transposer brusquement l’objet dont on parle dans un milieu nouveau, au sein d’associations beaucoup plus complexes et capables d’éveiller en nous beaucoup plus d’émotions sympathiques. L’artiste fait sonner ce carillon intérieur auquel Taine compare le système nerveux : il a pour cela cent moyens, car la vibration invisible court d’une clochette à l’autre ; que l’une d’elles soit tirée de main de maître, toutes les autres se mettront en branle.
Il y a diverses sortes d’images : celles qui précisent les contours extérieurs de l’objet, qui en dessinent la forme et la couleur, et qui ainsi produisent des perceptions nettes. Ce sont les images purement significatives.
Voilà le régiment
De mes hallebardiers qui va superbement.
Leurs plumets font venir les filles aux fenêtres ;
Il§ marchent droit, tendant la pointe de leurs guèlres ;
Leur pas est si correct, sans tarder ni courir,
Qu’on croit voir des ciseaux se fermer et s’ouvrir.
Ils sont là tous les deux dans une île du Rhône.
Le fleuve à grand bruit roule une eau rapide et jaune ;
Le vent trempe en sifflant les brins d’herbe dans l’eau [1].
- ↑ V. Hugo.