objectif, à nous donner une impression vive de l’état de conscience de son héros : « Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d’exister[1]. »
4o Transposition des images et sentiments en actions : « Je m’en irai vers lui, il ne reviendra pas vers moi[2]. »
Beaucoup d’actions sont une condensation de pensées sous une forme concrète et elles peuvent donner lieu à des méditations sans fin, tout comme de hautes formules métaphysiques. En exprimant ces actions, on a pour ainsi dire la moelle même des idées et des sentiments, rendus plus facilement communicables, car l’action est ce qu’on comprend et ce qu’on imite le plus aisément.
L’élargissement continu de l’image par toutes les sortes de transpositions ou de transfigurations est le grand procédé de la poésie. Il ne faut pas le confondre avec le procédé oratoire de l’amplification, qui est trop souvent l’addition à l’idée ou à l’image d’éléments hétérogènes artificiellement soudés. Quand Chateaubriand nous parle du « courage et de la foi, ces deux sœurs qui, etc. », il amplifie. On l’a depuis longtemps remarqué, une figure essentielle de toute rhétorique et de toute poésie est la répétition. L’amant ne dit pas à sa maîtresse pourquoi il l’aime : il le lui répète sous toutes les formes, avec toutes les inflexions de la voix et de la pensée. La puissance lyrique d’un génie se mesure souvent à la fréquence de la reprise de l’idée, ramenée sans cesse sous une forme nouvelle et plus frappante, au moment où on la croyait abandonnée ; c’est l’ondulation de la vague, ne quittant ce qu’elle porte qu’après l’avoir soulevé jusque sur sa crête aiguë, pour le laisser reprendre ensuite par une vague nouvelle. Hugo abonde en beautés de ce genre comme il abonde aussi, par malheur, en pures amplifications.