Page:Guyau - L’Irréligion de l’avenir.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
culte intérieur. — adoration et amour.

romans ont été des légendes religieuses ; les premières odes, des chants sacrés et des psaumes. La musique et la religion ont toujours été ensemble. Mais l’élément esthétique finit par s’affaiblir pour laisser place à une sorte de routine machinale, à mesure que la religion perd la vivacité de ses sentiments primitifs. En Orient, plus encore que chez nous, le phénomène est manifeste. Tout y devient rite monotone, cérémonie interminable. Tandis que les parsis, représentants de la plus vieille religion, passent six heures par jour en prières, voici, d’après l’Indian-Mirror, le récit de la fête du Seigneur dans le Brahmaïsme, cette religion pourtant toute moderne et purement déiste, fondée par Râm Mohun Roy et Keshub. « À six heures précises, un hymne fut entonné en chœur dans la galerie supérieure du mondir, pour annoncer la solennité du jour. D’autres suivirent, avec accompagnement d’harmonium ; et ainsi, d’hymne en hymne, on atteignit le moment de l’office, qui, en y comprenant le sermon, dura de sept à dix heures. Une partie de la congrégation se retira alors pour prendre quelque repos, mais le reste entonna le vêdi pour demander au ministre des éclaircissements sur divers points de son sermon. À midi, comme l’assemblée se retrouvait au complet, quatre pandits vinrent successivement réciter des textes sanscrits. À une heure, le ministre donna une conférence ». — Vinrent alors plusieurs thèses philosophiques et religieuses exposées par leurs auteurs. Des hymnes, des méditations et des prières en commun conduisirent l’assistance jusqu’aux approches de sept heures, où devait se célébrer l’initiation de sept nouveaux brahmaïstes. Cette cérémonie, entrecoupée d’un sermon, ne se prolongea pas moins de deux heures, et l’assemblée qui, à en croire le chroniqueur, ne donnait aucun signe de fatigue après ces quinze heures de dévotion continue, se sépara en chantant qu’elle n’en avait pas encore assez. « The heart wishes not to return home ! »


IV. — LE CULTE INTÉRIEUR — ADORATION ET AMOUR


Le culte intérieur a été un progrès et un raffinement du culte extérieur, qui, à l’origine, avait beaucoup plus d’importance aux yeux des hommes. À l’incantation, à l’offrande matérielle, aux sacrifices des victimes a succédé