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THÉORIE EXPÉRIMENTALE ET THÉORIE KANTIENNE

le passé et le futur, être un objet d’intuition ? Comment l’esprit aurait-il la vision, même pure, du passé et de l’avenir ? Qu’on se figure en Dieu une intuition de l’éternel, c’est là une représentation tout hypothétique et, à vrai dire, dont nous n’avons aucune représentation ; mais enfin, étant admis un Être éternel, on peut lui supposer l’intuition de l’éternité. Au contraire, que signifie l’intuition pure du temps, c’est-à-dire d’une succession qui ne peut tomber sous l’intuition que dans sa portion présente ? Nous n’avons d’autre intuition du temps que notre expérience actuelle de l’état présent avec tendance actuelle à passer à un autre état. Le temps est un objet partiellement de conscience et partiellement de conception : il n’est ni ne peut être, à aucun titre ni d’aucune manière, objet d’intuition, encore moins a priori qu’a posteriori ; et le mot d’intuition pure est ici absolument vide de sens. « J’appelle pure, dit Kant, (oubliant ce qu’il vient de dire) une représentation où l’on ne trouve rien qui se rapporte à la sensation. » Mais comment vous représenter la succession des phénomènes, c’est-à-dire la succession des sensations réelles ou virtuelles, sans rien qui se rapporte à la sen-