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INTRODUCTION

sation ? Si, par impossible, vous videz complètement votre conscience de tout contenu sensitif ou appétitif, vous restera-t-il le temps ? — Il ne vous restera absolument rien. C’est par ce procédé d’exhaustion, précisément, que nous arrivons ou croyons arriver à la conception bâtarde du néant. L’intuition d’une forme des sensations prétendue pure n’est elle-même qu’une image des sensations à l’état vague et confus. Kant prend le dernier fantôme de l’expérience pour l’intuition d’un objet transcendantal. Nous ne comprenons pas comment, après avoir lui-même si bien démontré qu’on ne peut avoir l’intuition pure de Dieu, de la cause suprême, de la substance suprême, etc., et que « la sensibilité seule fournit des intuitions, » il nous accorde une intuition pure du temps qui ne serait autre que la vision de Saturne en personne.

Kant reconnaît lui-même ce que nous disions tout à l’heure, à savoir que « nous représentons la suite du temps par une ligne qui s’étend à l’infini et dont les diverses parties constituent une série qui n’a qu’une dimension ; et nous concluons des propriétés de cette ligne à celles du temps, avec cette seule exception que les parties de la première sont simul-