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INTRODUCTION

Aucune comparaison d’idées à l’état statique n’arriverait à donner le sentiment du changement si l’être vivant ne l’avait pas dynamiquement. L’animal, du moins à l’état normal et conscient, n’a point une idée morte et immobile de plaisir, puis une idée morte et immobile de douleur : au moment même où son plaisir se change en douleur, il y a autre chose en lui que des images statiques, objet d’une comparaison contemplative et rétrospective : il y a l’indéfinissable conscience de perdre le plaisir et d’acquérir la douleur, il y a l’expérience interne du changement en acte. C’est là, selon nous, l’élément essentiel et primitif de toutes les idées ultérieures de temps, d’espace, de mouvement, etc. Mais cette expérience radicale du changement en train de s’effectuer, n’implique nullement une référence de la pensée à quelque intuition pure du temps. Ce n’est pas dans une intuition a priori qu’on se voit changer, passer du plaisir à la douleur, c’est dans l’intuition expérimentale par excellence, qui est la conscience immédiate. En d’autres termes, dans le présent même, ou dans ce qui paraît tel à notre conscience, nous ne nous sentons pas inerte : l’appétit est une tendance qui se manifeste par un double sentiment de tension constante et de