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GENÈSE DE L’IDÉE DE TEMPS

chaque sensation particulière est multiple, un état général de conscience, à un moment donné, est composé d’une très grande multiplicité de sensations. En ce moment j’ai mal aux dents, j’ai froid aux pieds, j’ai faim, voilà des sensations douloureuses ; en même temps le soleil me rit aux yeux, je respire l’air frais du matin et je pense à déjeuner tout à l’heure, voilà des sensations ou images agréables. Tout cela est entremêlé de la recherche d’idées philosophiques, d’un sentiment vague de tension d’esprit, etc. Plus on y songe, plus on est effrayé de la complexité de ce qu’on appelle un état de conscience et du nombre indéterminable de sensations simultanées qu’il suppose. Il faut tout un travail pour introduire dans cet amas l’ordre du temps, comme la Psyché patiente de la fable mettait en ordre tous les éléments minuscules qu’on lui avait imposé de ranger.

Le premier moment de ce travail d’analyse, c’est ce que les Anglais appellent la discrimination, la perception des différences. Supprimez cette perception des différences, et vous supprimerez le temps. Il y a une chose remarquable dans les rêves, c’est la métamorphose perpétuelle des images, qui, quand elle est