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FOND ACTIF DE LA NOTION DE TEMPS

mais il n’y a pas autant de différence qu’on pourrait le croire entre nos sensations, ou plutôt la différence de degré n’exclut pas une certaine unité de forme. Les sensations rentrent dans un certain nombre d’espèces, selon qu’elles proviennent de mon bras, de ma jambe, de ma tête, etc. Dans une journée ou même dans une époque entière de la vie, il y a, le plus souvent, une ou plusieurs espèces de sensations dominantes ; de là l’unité dans la variété. Tout à l’heure, pendant que j’écrivais, ma mémoire me représenta soudain l’image d’un petit ravin ombragé de pins et de tuyas. Quand donc m’y suis-je promené ? me demandai-je. Et sans hésitation, quoique après un temps mathématiquement appréciable, cette réponse intérieure m’arrive : hier. A quoi donc ai-je reconnu immédiatement que c’était hier ? En y réfléchissant, je remarque qu’au souvenir de cette promenade est associée la sensation du mal de tête ; or je souffre encore de la tête en ce moment même : c’est pour cela que la localisation dans le temps a été très prompte. Sous les divers événements de ma journée se retrouve ainsi une sensation continue qui les relie entre eux. D’autres fois, c’est un groupe de sensations qui adhèrent l’une à l’autre. Mais le souvenir exact, pour