de l’homnme : « Tout est dans tout, » disait la parole antique. Qu’il y ait un seul être, une seule molécule, un seul atome dans l’univers ou la spontanéité ne soit pas, la liberté ne pourra sans doute plus être en nous : tous les êtres sont solidaires. Inversement si la liberté humaine existe, elle ne peut être absolument étrangère à la nature, elle doit déjà s’y faire pressentir et graduellement sortir de son sein. Les ténèbres elles-mêmes ont en elles quelque faible rayon de jour : si la nuit était absolument opaque, elle serait éternelle. En un mot, veut-on que l’homme soit libre, il faut qu’autour de lui tout possède aussi le germe de la liberté, que tout y tende, et que partout la spontanéité d’Epicure s’allie, pour organiser l’univers, au choc fatal de Démocrite[1].
- ↑ Le chapitre qu’on vient de lire a déjà paru en juillet 1876 dans
la Revue philosophique. Voici l’appréciation que M. Renouvier voulut
bien faire de notre travail dans sa Critique philosophique : « C’est une
étude digne d’attention, avec bonne analyse et textes bien expliqués
à l’appui, sur une des questions les plus intéressantes de la
philosophie, et une des plus négligées, on pourrait dire injustement
méprisées. L’auteur nous rend fort bien compte de la manière dont
Epicure entendait le libre arbitre et le hasard, et définissait le
rapport de l’un avec l’autre, en les considérant non dans l’homme
seul ou essentiellement en lui, mais dans l’atome. L’idée tant
ridiculisée de la déclinaison atomique est mise dans le meilleur jour.
Nous regrettons seulement que M. Guyau n’ait pas suffisamment
distingué, au moins dans le langage, entre une spontanéité, qui se
concilié sans peine avec la détermination naturelle (détermination
forcée selon chaque nature donnée en laquelle elle se produit), et
une liberté pure, ambiguë dans son acte, indéterminée à l’égard de
ses effets tant qu’ils ne sont point passés à l’acte. La conclusion de
l’auteur se ressent peut-être un peu de cette confusion des termes
— quoiqu’il ait nettement arrêté le sens du libre arbitre et du
hasard dans l’école épicurienne, par opposition à celui de la liberté déterministe des stoïciens. — Sinon elle est bien hardie ! »
A vrai dire, c’est la conclusion la plus hardie que nous avons entendu exprimer. Etant posé ce principe, qui nous semble capital, la solidarité de tous les êtres et l’unité de l’univers, nous croyons qu’on n’en peut tirer que deux conséquences : ou le déterminisme enveloppant l’homme et le monde, ou l’indéterminisme se retrouvant au fond de tout. Si on se borne à admettre dans les éléments des choses une spontanéité entendue à la façon de Leibniz, et ne faisant qu’un avec la nécessité même, il sera désormais impossible de ne pas placer dans l’homme une nécessité identique. Il faut donc choisir. L’homme diffère assurément beaucoup des autres êtres de la nature ; mais ce n’est pas une simple différence qui existe entre la liberté et la néces-