CHAPITRE IV
LE DESIR. — BUT DERNIER DU DESIR : LE REPOS, LA JOUISSANCE DE SOI
Le bonheur est-il réalisable, ou le désir qui le poursuit doit-il être toujours déçu ? Importance de cette question dans une morale qui veut mettre le souverain bien à la portée de tous. Contradiction qui semble se présenter dans toute doctrine utilitaire entre la fin poursuivie, qui est le plaisir, et les moyens pour y atteindre, qui sont l’effort, la peine, la souffrance. Comment Epicure résout cette difficulté.
I. — Classification des désirs. Comment Epicure en vient à bannir la volupté, le raffinement et la variété des plaisirs. Plaisir unique qui subsiste : celui des aliments. Du pain et de l’eau. — Objections : vide du bonheur épicurien.
II. — But suprême du désir et essence dernière du bonheur : l’ataraxie. — Distinction du « plaisir en mouvement » et du « plaisir constitutif. » — Le souverain bien est l’absence de peine. — Cette absence de peine n’est-elle qu’un repos et un sommeil semblable à la mort, comme l’ont cru les interprètes ? Que l’absence de la douleur met à nu la félicité inhérente à l’harmonie et à la santé de l’être. — Que le plaisir suprême est le plus indépendant, celui où la part du sujet sentant est la plus grande et la part de l’objet senti la moindre.
La doctrine utilitaire s’est élevée, avec Epicure, au-dessus
de la morale du plaisir, mais elle donne encore
lieu à une foule d’objections qui vont la forcer à s’éclaircir
et à se développer.
D’abord, pour proposer une fin au désir de l’homme,
encore faut-il démontrer que cette fin est réalisable ; or,
le bonheur, dans une foule de cas, échappe aux prises de
l’homme. Rien de plus facile que de trouver la douleur ;
nous n’avons pas même besoin de la chercher ; il suffit de
rester immobile et d’attendre, elle vient toute seule. Mais
le plaisir, dans certains cas, est complètement hors d’atteinte :
L’esclave bien enchaîné, par exemple, ne peut pas
jouir du plaisir d’être libre. Dans d’autres cas, fût-il
possible d’atteindre le plaisir, il faut pour cela des moyens,
et ces moyens sont des efforts plus ou moins pénibles.
Le travail, la tension de la volonté et des muscles,