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LIVRE PREMIER
LE PRINCIPE DE L’ART ET DE LA POÉSIE

J’observais l’autre jour un très jeune enfant qui jouait dans une chambre : un rayon de soleil étant venu à passer au travers des volets fermés, l’enfant courut vers ce trait lumineux qui fendait l’air, pour essayer de le saisir entre ses mains ; à son grand étonnement, la clarté blanche se déroba à ses prises : elle était seulement dans son œil. L’humanité a fait, dans le cours des temps, bien des découvertes analogues. Le beau et le bien, après avoir été considérés longtemps comme des réalités métaphysiques, tendent pour ainsi dire à rentrer en nous ; ce ne sont plus, aux yeux des savants modernes, que les effets de notre propre constitution intellectuelle. Le beau, par exemple, selon l’école de l’évolution, se ramène à une certaine espèce de plaisir, lié comme tout plaisir au développement de la vie : supprimez les êtres vivants dans l’univers, vous en supprimez le beau, de même qu’en ôtant l’œil, vous