Page:Guyau - Les Problèmes de l’esthétique contemporaine.djvu/31

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par rapport à une fin, constitue un ordre, une harmonie, et depuis longtemps on a uni la beauté et l’ordre. De même que l’exercice facile de la vue offre par lui-même un caractère esthétique (c’est pour cette raison, nous le verrons plus tard, qu’on préfère les lignes courbes aux lignes brisées, plus difficiles à suivre), ainsi l’exercice aisé et rapide de ce qu’on a appelé « l’œil de l’esprit » est par lui-même agréable et beau ; or, cet exercice est toujours facilité par la disposition des choses en vue d’une fin et pour ainsi dire autour d’un centre conçu par la pensée. Nous aimons à retrouver dans les choses la manifestation de notre intelligence, à y voir marquée la trace de ce qu’il y a de supérieur en nous. En même temps, nous aimons à y reconnaître un caractère agréable fixé d’une manière définitive ; un objet qui semble toujours prêt à nous rendre service, à nous faire plaisir, et qui n’est Hé d’ailleurs indirectement à aucune association désagréable, ne saurait tarder beaucoup à nous paraître beau.

Ainsi, dans les objets extérieurs, l’utihté semble être un premier degré de beauté. Passons maintenant des objets au sujet sentant. À l’utilité répond chez l’être sentant un besoin ; ce besoin, devenu conscient, donne lieu à un désir : recherchons donc si le désir peut être par lui-même la source d’émotions esthétiques.


Désirer, aimer (l’amour se réduit en partie au désir), n’est-ce pas dans une certaine mesure admirer ? — Pour notre part nous croyons qu’un désir, un amour quelconque produit dans tout notre être une excitation diffuse qui est