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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/102

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Quelques semaines se passèrent ainsi à rétablir notre santé et notre esprit. Nous allions tous les jours nous promener sur les côtes voisines, d’où l’on peut apercevoir la vallée de la Moselle, et là nous restions longtemps, les yeux fixés vers la patrie.

Enfin on apprit que la paix venait d’être signée, dans les conditions cruelles que tout le monde connaissait déjà depuis longtemps. La Lorraine et l’Alsace étaient définitivement enlevées, malgré leurs larmes, et il fallait s’exiler pour toujours ou rester Prussien !

Tout ce que ces nouveaux événements nous causèrent de peine, je n’ai pas besoin de le dire : jamais dans le cœur d’un Lorrain ou d’un Alsacien la joie ne pourra renaître, jamais pour nous, pauvres exilés, ne luira un éclair de bonheur, tant que notre pays ne sera pas rendu à la France !

Nous quittâmes Luxembourg, M. Frank, Wilhelmine et moi, pour rentrer en France, où nous devions opter pour avoir une patrie.

C’est à Nancy que nous cherchâmes un asile : là du moins, nous pouvons entendre encore le mot de Lorraine ; des collines voisines nous pouvons voir la Moselle couler vers Thionville, et nous sommes au premier rang pour regagner notre pays, le jour où il redeviendra français.

Je suis docteur en médecine, j’ai épousé ma bonne Wilhelmine, et le père Frank ne veut pas vieillir, et il espère moudre encore beaucoup de blé dans son moulin.


FIN


Coulommiers. — Typ. P. BRODARD et GALLOIS.