C’était le 22 août.
Oh ! Comme j’étais content d’aller vers la France encore libre, où je pourrais me joindre à son armée, lutter avec ses braves soldats, contre ces Allemands orgueilleux, que je haïssais plus que jamais, depuis que je les avais vus se pavaner fièrement dans une vieille cité française.
Le ciel était pur et brillant, l’air frais : une journée magnifique s’annonçait.
La route est si agréable de Nancy à Pont-à-Mousson, que, dans mon admiration pour les jolis paysages, qui se développaient devant moi, j’avais oublié les Prussiens.
Il me semblait que je n’avais qu’à voler pour arriver à mon but, et je marchais vite, je volais presque.
Ces bois si verts, ces vallons si frais, parsemés de nombreux et blancs villages, respiraient une si douce paix, que je pensais :
« Ils n’ont point passé ici, ils sont tous en ville. Je n’en verrai donc plus ! Quelle joie de pouvoir respirer librement ! »
Et puis je rêvais à ma mère, à Wilhelmine, je sentais que je me rapprochais d’elles et cela m’excitait.
Cependant le soleil que me cachaient les grands arbres de la route, s’éleva peu à peu dans un ciel sans nuages. Ses rayons brûlants calmèrent mon ardeur, la sueur inonda mon front.
Je marchais ainsi depuis plusieurs heures, et j’avais traversé quelques villages, sans prendre le moindre repos, lorsque j’entendis derrière moi le roulement d’une voiture.
Je m’arrêtai et j’attendis, espérant trouver une place près du conducteur, qui était seul.
Quand il fut près de moi, il m’invita lui-même à monter.
« Vous ne craignez donc pas, lui dis-je, que je sois un Prussien ?