Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/23

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anciennes connaissances, à la tête de l’armée allemande.

Ils allaient tout droit dans les meilleures maisons : ils connaissaient la fortune des propriétaires, leurs caves, leurs greniers… Ils entraient en riant :

« Bonjour, monsieur Pierre, ne me reconnaissez-vous pas ? Je vous ai servi comme domestique, pendant trois ans, et voyez, je suis officier aujourd’hui. Mais ne craignez pas, nous ne vous ferons point de mal ; j’ai de la reconnaissance pour vous… Seulement nous avons besoin de vin, de nourriture : vous pouvez donner du blé, sans nuire à vos greniers. »

Et bien d’autres choses qui étonnaient les fermiers.


IV

Je me suis un peu étendu sur ces tristes souvenirs, et me voici arrivé aux premières maisons de Pont-à-Mousson. Je distingue parfaitement les restes noircis par le temps du vieux château de Mousson.

Ils sont là, immobiles, au milieu du tumulte de la guerre, témoins séculaires des luttes humaines qui se sont succédé dans ce pays : preuves solides de la faiblesse de l’homme, qui agit tant et qui meurt, tandis que longtemps après lui, restent encore debout ces murs silencieux !

La plaine était encombrée de voitures, de soldats, de canons : tout annonçait l’approche d’une nombreuse armée.

Je voyais des sentinelles placées le long de la route, à l’entrée de la ville. Je traversai les postes d’un pas assuré, sans m’inquiéter des regards quelque peu étonnés des gardes et des soldats qui, surpris de mon assurance, n’osaient m’arrêter.

Cette hardiesse m’a servi dans plus d’un cas, où je