mon épaule se dessiner vaguement la tête énorme d’une vache. J’allais me rejeter de côté, mais j’entendis chuchoter à quelques pas.
« On a marché près de nous, disait une voix de femme ; c’est un Prussien, notre vache est perdue. Sauvons-nous.
— C’est peut-être quelqu’un du village qui se cache aussi, disait une autre voix.
— Je n’ose aller plus avant.
— N’aie donc pas peur. C’est notre dernière vache. »
Je crus devoir m’avancer de quelques pas et je dis à mi-voix :
« C’est un Français, ne craignez rien. »
Les deux femmes étaient près de moi : à ma vue elles reculèrent effrayées, mais je les rassurai de nouveau.
— Eh ! mon bon Monsieur, que faites-vous ici ? Vous êtes perdu dans le bois.
— Et vous, mesdames, à dix heures du soir !
— Nous sommes venues cacher nos vaches ; mais les Prussiens ont vu qu’il n’y en avait plus dans le village, et ils ont appris par des traîtres qu’elles étaient dans le bois. Aussi ont-ils formé un cercle de soldats autour de nous pour nous prendre. »
Je compris alors la présence de la sentinelle sur le chemin que je suivais.
« Avez-vous vu une vache, de votre côté, me demanda la plus vieille femme ?
— Oui ! à l’instant : elle n’est pas loin.
— Tenez, voilà un bâton, aidez-nous à la ramener dans le ravin. »
Je pris un bâton et je suivis les deux paysannes, faisant de comiques réflexions sur mon rôle de chasseur improvisé.
« La voilà ! » cria une femme.
Au même instant, plusieurs coups de fusil retentirent assez loin de nous : les balles passèrent au-dessus de nos têtes en sifflant.