dont les plaintes me perçaient le cœur ! Que de pauvres mères, que de fiancées, espéraient là-bas, bien loin, tandis que leurs fils, leurs fiancés, s’en allaient mourants ou estropiés, couchés sur la paille, entre les baïonnettes prussiennes !
Oh ! Je vous assure que ceux qui ont vu cela n’aiment plus la guerre.
En arrivant dans un village, près d’une grande route, je trouvai les rues encombrées par les voitures de ces blessés. Je m’approchai de l’une d’elles, sur laquelle un artilleur, assis, fumait silencieusement. Il avait le bras gauche coupé !
« Salut, mon pauvre camarade, lui dis-je, où avez-vous été blessé ?
— À Gravelotte.
— On s’est donc battu autour de Metz ?
— Oui ! Nous les avons battus, à Borny d’abord ; puis de l’autre côté de la Moselle, partout, à Mars-la-Tour, à Gravelotte ! Oh ! Je ne sais comment il en reste encore, tant nous en avons tué ! Mais plus il en tombait, plus il en arrivait. Je crois que toute l’Allemagne s’est déchaînée sur nous ! »
Je serrais la main au pauvre blessé.
« Espérez, lui dis-je, en m’éloignant, que la France tout entière se lèvera aussi et qu’on repoussera dans leur pays cette nuée d’envahisseurs !
— Oui ! Vive la France ! » s’écria l’artilleur, et il se remit à fumer fiévreusement, pendant que je m’éloignais.
Tout le long de la rue des voitures de blessés stationnaient, en attendant le signal du départ. Les soldats prussiens de l’escorte étaient assis sur les bancs des maisons, le fusil entre les jambes, et la longue pipe de porcelaine à la bouche.
Aucun bruit, que celui des plaintes, des soupirs ! Pas de chants, comme après une victoire ! Et qui eût pu chanter, au milieu de cet hôpital ambulant ! quand,