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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/40

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cathédrale, ses châteaux crénelés, ses maisons noires. La Moselle roulait, dans cet amas de maisons, ses flots bleus, d’où s’élevaient de blancs et légers nuages.

Plus près, dans des taillis, derrière des plis de terrain, des camps ennemis étaient cachés, des postes circulaient, une grande armée se réveillait et se préparait !

Ajoutez à tout cela la voix terrible du canon qui grondait au loin, dans les forts, comme un sourd murmure, et vous comprendrez l’émotion qui me saisit à ce spectacle merveilleux.

La route se divisait en deux branches : l’une allait directement sur Metz, l’autre obliquait à droite.

La première était couverte de convois, qui venaient de mon côté, et de postes ennemis, placés derrière les massifs d’arbres. Je ne pouvais m’y engager sans danger ; aussi je pris le chemin de droite, vers l’Est, pensant que du côté de Sarrebrück, il devait y avoir moins d’Allemands que du côté de la Moselle.

Cette route, cependant, était couverte de voitures qui se dirigeaient vers l’Allemagne. C’étaient des convois de blessés qui allaient lentement, accompagnés de soldats.

Dans de longues voitures, étendus sur la paille, gisaient pêle-mêle des blessés français et prussiens, de toute arme. Près d’un uhlan, un zouave ; près d’un cuirassier blanc, un grenadier de la garde.

À chaque pas, j’en rencontrais d’autres, et ils me regardaient fixement avec leurs grands yeux creux !

Que s’était-il passé ? Quelle bataille terrible ? Était-ce une victoire ou une nouvelle défaite ? Ils arrivaient tous de la direction de Metz ! Je songeai alors aux bruits qui s’étaient répandus à Nancy au sujet de combats gigantesques.

C’était donc vrai !

Comment ne pas maudire ceux qui déclarent la guerre, en voyant ces files innombrables de blessés,