Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/55

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La petite fille, qui me guettait, appela aussitôt :

« Grand’mère ! »

Et la vieille femme accourut.

« Eh bien, êtes-vous mieux ? me demanda-t-elle.

— Oui, je me sens très bien. Je vous remercie beaucoup.

— Nous n’avons pas de médecin au village, et il vaut mieux que personne ne connaisse votre présence ici, car il y a toujours des méchants et des traîtres. J’ai lavé votre blessure, aidée par mon mari. C’est peu de chose : l’épaule a été labourée par une balle, a dit mon mari, qui a été soldat de l’empire et blessé aussi ; mais la balle a glissé le long de l’épaule, et c’est la perte du sang qui vous a affaibli, avez-vous faim ?

— Oui, ma bonne dame, j’ai grand appétit et je mangerai volontiers. »

Elle sortit et revint bientôt avec du bouillon. Le brave vieillard entra en même temps :

« Je vois que cela va mieux, mon garçon, s’écria-t-il ; allons, du courage, ce ne sera rien : une égratignure à l’épaule. J’en ai vu bien d’autres, moi, dans le temps !

— En tout cas, je ne sais ce qui serait arrivé, si je n’avais trouvé votre bonne hospitalité.

— Ne parlons pas de cela. Vous vous êtes donc échappé des mains de ces Prussiens ? »

Je racontai à ces braves gens comment j’étais arrivé à leur porte et je leur dis que j’avais l’intention de continuer ma route le plus tôt possible, pour aller revoir ma mère et de là rejoindre une armée française, si je le pouvais.

« Reposez-vous ici tant que vous n’aurez pas repris vos forces, me dit la grand’mère. Nous vous soignerons comme si vous étiez notre fils. Nous en avons un qui est dans la mobile, à Metz, et peut-être une autre mère fait-elle pour lui ce que je fais pour vous.