Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/62

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mouvement, de la vie, de la gaieté qui animaient, il y a quelques années, ce pays si favorisé de la nature.

Dans un paysage charmant, au milieu de collines boisées, de plaines vertes, entrecoupées de ruisseaux, une profusion de villages, entourés d’arbres fruitiers, de champs, de vignes ; une agriculture prospère avec une industrie active. Voilà ce que nous avons perdu, voilà ce que les Allemands voient disparaître peu à peu aujourd’hui, car les prairies deviennent jaunes et se dessèchent, la charrue reste rouillée dans un sillon commencé, les hauts fourneaux ne rougissent plus les collines de leurs feux flamboyants, les villages sont tristes : le vide, la solitude ont remplacé la vie !

L’annexion a tout chassé !

Elle était pourtant bien belle la petite maison de ma mère, avec ses murs blancs, à demi cachés sous les feuilles de vigne et de pêcher.

Il était gai le petit jardin où elle cultivait ses fleurs chéries et les fruits qu’elle me gardait pour les vacances !

Sur le devant, de l’autre côté de la route, se trouvait un bosquet de coudriers, qui séparait notre maison du grand moulin de M. Frank, le père de Wilhelmine, celle qui m’avait été fiancée dès le plus jeune âge.

Le village était un peu plus loin, sur la gauche, du côté de Metz.

Des fenêtres de ma petite chambre, on pouvait voir le plus charmant des paysages.

Vis-à-vis, à une lieue à peine, s’élevait la chaîne grise des Ardennes orientales, avec ses montagnes couvertes d’épaisses forêts : une grande vallée s’ouvrait en contours gracieux entre deux côtes élevées. De tous côtés, des villages se montraient au milieu des arbres. C’était comme un vaste jardin avec des maisons de campagne !

Plus loin, la fumée des forges de Wendel formait un noir panache, qui glissait sur les bois.