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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/73

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reviendront se frotter aux murs de la ville ? Une victoire des Français peut les appeler ailleurs.

— Si Christian va se battre à Thionville, pourquoi ne le suivrais-je pas ? dit ma mère. J’ai des amies dans la ville, j’aurai toujours un asile assuré, et je serai là pour veiller sur lui.

— Et moi, je resterai donc seule ici ? » demanda une voix douce et pleine de larmes.

C’était Wilhelmine : elle avait entendu ce dont il s’agissait et elle vint pleurer sur mon épaule.

En voyant autour de moi tous ceux que j’aimais, triste et silencieux, mon cœur saignait, mais je dis d’une voix entrecoupée par l’émotion :

« Ma pauvre Wilhelmine, ma mère restera près de toi : je serai plus brave et plus heureux, en vous sentant ensemble, sous la garde de M. Frank. Peut-être ne serai-je pas longtemps sans me retrouver au milieu de vous et alors rien ne nous séparera plus. »

J’avais dit, la veille au soir, à l’officier des francs-tireurs l’intention où j’étais de les accompagner à Thionville, et ce ne fut pas sans un vif serrement de cœur que je le vis entrer et annoncer que le détachement allait se mettre en marche.

Ma mère avait perdu tout sentiment ; Wilhelmine, plus forte, m’embrassa une dernière fois et courut la secourir : le père Frank essuyait une larme en cachette.

Je suivis le franc-tireur sans retourner la tête et le village disparut derrière les arbres. Au milieu de tant d’émotions, la pensée que j’accomplissais un devoir sacré me consolait un peu et j’étais fier d’avoir eu du courage.


XVI

Après une heure de marche, nous entrions dans Thionville, par la porte de Metz. Toute la plaine que