Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous avions traversée était triste et déserte : on avait coupé les beaux grands arbres des routes et les remparts montraient à découvert leur masse grise, chargée de canons menaçants.

La ville était remplie de soldats de toute sorte, de paysans des villages voisins qui s’y étaient réfugiés avec leurs familles et leur ménage : les habitants eux-mêmes ne pouvaient rester chez eux et ils circulaient au milieu des canons et des voitures, avides de nouvelles. La place surtout, ordinairement si calme, avait une physionomie pittoresque.

Sans m’arrêter à regarder tout cela, je courus aux bureaux de la place et j’en ressortis bientôt avec quelques mots pour le commandant de la garde mobile qui m’incorpora aussitôt dans son bataillon.

Les premiers jours de ma vie de soldat furent employés à apprendre l’exercice. Ensuite j’allais me promener dans les rues pour écouter le bavardage des groupes rassemblés ou lire les dépêches affichées à l’hôtel de ville.

Quelquefois je montais sur les remparts, du côté de Metz, d’où je pouvais voir les maisons de Daspich, perdues au loin dans les arbres.

Rien n’était venu interrompre la monotonie de notre séjour, et comme la place n’était que rarement inquiétée par les reconnaissances prussiennes, je pus recevoir quelques nouvelles de Daspich et faire donner des miennes, par des paysannes qui s’introduisaient en ville pour apporter des provisions.

Ma bonne mère avait repris courage, et Wilhelmine était toujours près d’elle. Toutes deux parlaient de leur Christian et du moment où elles le posséderaient pour ne plus le quitter.

Telles étaient les bonnes choses que me racontaient les messagères, en m’apportant toujours un souvenir que je conservais précieusement.

Mais bientôt toute relation avec l’extérieur cessa :