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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/87

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chement toutes ses pensées, et celle qui le dominait était de s’échapper pour aller rejoindre une armée, en France.

À chaque instant, d’ailleurs, des évasions avaient lieu. Mais plusieurs fois les pauvres prisonniers avaient été blessés par les sentinelles, repris et enfermés au cachot, d’autres même avaient été tués.

Des mesures plus sévères, une surveillance plus active, avaient été ordonnées et depuis quelques jours, on n’avait pas entendu parler de nouvelles tentatives.

Souvent Hermann me parlait de l’intention où il était de profiter de la première occasion favorable pour s’échapper, et il m’excitait à faire comme lui.

« Nous savons l’allemand, disait-il, nous pouvons gagner la campagne, où il n’y a aucune troupe et où nous trouverons des vêtements civils. J’ai de l’argent en suffisance. Nous partirons pour le Luxembourg, et de là, il nous sera facile d’entrer en France. »

Mais je savais quelle chance il fallait courir, à quels dangers presque insurmontables il fallait se hasarder, et la pensée de ma mère qui mourrait, si elle n’avait plus de mes nouvelles ou si j’étais tué dans une évasion, me retenait.

« Partez sans moi, répondis-je au jeune Alsacien. J’ai déjà trop souffert et je ne compte pas assez sur le succès pour tenter de fuir. »

Mais les froids violents étaient venus : les nuits claires et la gelée étant trop défavorables, il attendait, car il fallait des neiges, de la pluie ou une nuit sombre.


XIX

Un matin, vers la fin de décembre, le vaguemestre avait fait la distribution, mais je n’allais plus au-