ta santé est revenue. Embrasse pour moi Wilhelmine et M. Frank, et reçois pour toi les bons baisers de ton petit Christian. »
Lorsque la lettre fut partie, je me sentis le cœur plus léger. Cependant je n’étais pas sans inquiétude : je craignais que les correspondances ne fussent pas bien sûres, et je tremblais que le moindre retard n’augmentât les peines de ceux que j’aimais.
Je fus plus de trois semaines sans recevoir de nouvelles : tous les jours, le matin, à l’heure de la distribution des lettres, je courais tout ému au-devant du vaguemestre.
Mon cœur battait violemment, mes jambes fléchissaient, pendant qu’il appelait à haute voix ceux qui recevaient des lettres. À chaque nom, mon anxiété augmentait, et quand il avait fini, n’ayant plus d’espoir, je me sauvais à l’écart, la sueur au front, le cœur brisé, pour pleurer.
Oui ! je pleurais ! Oh ! jamais je n’aurais cru qu’on pouvait tant souffrir : j’avais beau me faire tous les raisonnements possibles, me dire qu’il fallait sans doute bien des détours, bien des retards, avant que les lettres ne pussent arriver à leur destination ; rien ne faisait.
Je m’étais lié avec un sous-officier de chasseurs à pied, nommé Hermann, de Strasbourg : c’était un jeune homme rempli d’instruction et de qualités. Il était avocat, avant la guerre, et s’était engagé volontairement pour un an.
Nos lits étaient voisins et une foule de petits services rendus réciproquement nous avaient fait connaître l’un à l’autre. Il faut dire aussi qu’une grande ressemblance dans nos goûts et dans notre existence nous avait rapprochés : il aimait une jeune fille de Strasbourg, et il devait se marier aussitôt son retour.
Vif, courageux, téméraire même, il m’avouait fran-