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Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/91

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— Vrai ? demanda-t-il d’une voix insouciante, comme s’il s’agissait d’une promenade.

— Oui ! décidé à tout braver.

— Eh bien, mon cher, vous avez bien fait de vous décider, car j’allais partir seul. Le temps est propice : les nuits sont très noires, il pleut continuellement. Ce soir, après le dîner, nous nous cacherons derrière les baraquements et de là nous nous sauverons, sans bruit, dans les champs. Vous aurez soin de ne pas me quitter du regard, je vous ferai signe, quand il sera temps. »

J’acceptai tout ce que voulut Hermann, car je savais qu’il avait mûri son projet et étudié tous les moments et les endroits favorables pour sortir du camp.

Cependant l’exécution était moins facile que la parole : les baraques étaient entourées de sentinelles, qui avaient l’ordre de tirer sur les prisonniers qui sortaient et ne répondaient pas à leur voix. Les cavaliers pouvaient se lancer à notre poursuite et bientôt nous rejoindre.

Ce soir-là, il avait tombé beaucoup de neige fondue, un vent glacial faisait rentrer tout le monde près des grands poëles, dans les chambres, et les sentinelles s’abritaient derrière leurs gros manteaux.

Pendant que la foule des prisonniers se pressait aux portes pour rentrer, Hermann me fit signe de la tête et je le suivis.

Nous nous glissâmes entre deux baraques et de là, enjambant sans difficulté les fils de fer, nous nous trouvâmes dans les fossés du fort.

Une fois arrivés là, il nous fallait aller lentement et avec précaution, parce que le moindre bruit pouvait attirer l’attention des postes nombreux. D’ailleurs le terrain boueux était très inégal, et nous risquions fort de nous casser le cou dans les trous, que la nuit nous empêchait de voir.

Enfin, après mille tâtonnements, en nous rappelant