est obligé d’entendre les étroites et égoïstes observations d’une femme qui ne veut ni ne peut comprendre son génie ; là où il voudrait chercher des consolations après les luttes solitaires de sa pensée en travail, il ne trouve que dédains et paroles amères. C’est en vain qu’il voudrait se reposer sur le sein de sa femme, puiser des encouragements dans son sourire, s’entendre dire :
— Oh ! oui, tu as raison, tu es un grand homme, je t’admire et je t’aime !
Non, au lieu de ces paroles, il n’entend que reproches ; lui qui aurait tant besoin d’encouragements quand il doute, de consolations quand il désespère, il est condamné à s’isoler ; il voudrait trouver quelqu’un qui le comprit, à qui il pût ouvrir son cœur et son cerveau, à qui il pût faire partager son culte et son enthousiasme, et il est condamné à se renfermer seul à seul avec sa pensée. Il voudrait communiquer son feu sacré à sa femme pour qu’elle l’aidât, si ce n’est avec sa tête, du moins avec son cœur, et quand il veut montrer le nouveau venu, cette femme en est jalouse, le repousse comme un intrus, et alors l’inventeur entend ces dures paroles :
— Tu n’es qu’un mauvais père, tu foules aux pieds tes devoirs, tu ne m’aimes plus, tu oublies tes enfants, on a raison de dire que tu es un fou.
Et alors, s’il redresse la tête et s’écrie :
— Mais malheureuse, tu ne comprends donc pas que cet enfant est le plus beau que je puisse procréer, qu’il est appelé à faire plus dans le monde qu’Alexandre, César ou Napoléon ?…
— Laisse-moi avec tes folies… tais-toi, tu n’es qu’un égoïste, lui répond-elle.
Ah ! oui, il est égoïste ce hardi pionnier de la civilisation qui veut féconder le monde. Il est égoïste Bernard de Palissy quand, au Heu de faire servir ses talents au bien-être de sa famille, il brise ses meubles pour alimenter son