Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/170

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locomotion assez commode ; ils bénissent les chemins de fer, — leur position officielle les y oblige, — mais ils s’en vengent en prêchant hardiment contre eux. N’avons-nous pas entendu l’archevêque de Rennes leur lancer anathème à Sainte-Anne et les appeler les chemins d’enfer ? On appelle le chemin de fer chemin d’enfer. On traite Romas de sorcier. Étant venu à Bordeaux, où de Nérac sa réputation l’avait précédé, pour faire des expériences, il déposa son cerf-volant chez un cafetier en attendant un orage. La foudre tomba précisément sur cette maison. On accusa le malheureux cerf-volant d’avoir attiré le tonnerre ; le peuple se porta en foule à la maison, menaçant de tout dévaster, si on ne lui livrait pas la cause de cet accident. On fut obligé de la lui jeter et il s’empressa de la mettre en pièces. Quand Romas, depuis ce jour, passait dans les rues de Bordeaux , on s’écartait sur son passage, en le montrant avec terreur.

Du reste, quoi d'étonnant que cette merveilleuse invention frappât le peuple de stupéfaction et de terreur superstitieuse ? I1 était ignorant et des gens qui auraient dû être plus instruits que lui, au lieu de l’éclairer, faisaient cause commune avec lui. En 1783, M. Vissery, élève, à Saint-Omer, un paratonnerre sur sa demeure. Aussitôt grande inquiétude dans les esprits ; d’étranges rumeurs circulent dans la ville. La foule se réunit menaçante autour de la maison, que dominait l’appareil suspect. La municipalité de Saint-Omer, au lieu de dissiper le rassemblement et d’expliquer qu’il n’y avait pas lieu à se fâcher, intima l’ordre à M. de Vissery d’abattre son paratonnerre. Celui-ci protesta et il fallut un jugement du tribunal d’Arras, en date du 31 mai 1783, provoqué par une brillante plaidoierie de Robespierre, pour permettre à M. Vissery de protéger son habitation contre la foudre.

L’inventeur n’est pas seulement traité de fou par 1e peuple. La masse accepterait plus facilement les choses